mardi 10 mars 2020

Revue de livre par Christian Grappe


Préfacé par Henri Blocher, l’ouvrage part du constat selon lequel, en milieu évangélique, dans la sphère anglo-saxonne, et à partir du début du XIXe siècle, de nombreuses missions tournées vers le peuple juif, comme le mouvement Jews for Jesus, se servent de Rm 1,16 comme argument pour faire de cette mission une priorité, avant même la mission aux Grecs. L’A. trace l’historique de cette réception de Rm 1,16, dresse une liste de douze arguments qui ont été apportés en faveur d’une telle entreprise, puis se lance dans une étude exégétique de Rm 1,16 qui l’amène à considérer que pareille exégèse n’est pas justifiée. À la lumière de Rm 3,2, il considère en effet que le prôton de Rm 1,16 doit être compris, dans la pensée de Paul et dans l’univers de représentation du Ier siècle, en termes de priorité des Juifs sur le plan de l’histoire de l’Alliance, en ce sens que les promesses faites aux patriarches doivent être accomplies, que les Juifs doivent être les premiers bénéficiaires de l’Évangile et les premiers à être jugés (2,9-10), comme ils ont été les premiers à avoir connaissance de la Torah. Il n’est donc pas question d’une priorité qui concernerait la mission au peuple juif aujourd’hui. Un dernier chapitre s’emploie à relier Rm 1,16 et Rm 9– 11 et considère que ces derniers chapitres expliquent comment «Dieu a choisi de traiter la question du salut de tous, le peuple juif d’abord, ensuite les païens, et ensuite, ànouveau, le peuple juif » (p. 190), dans un mouvement de retour vers le peuple avec lequel a été conclue l’Alliance en premier lieu. Écrit par un évangélique qui a été engagé dans la pratique missionnaire des Jews for Jews, l’ouvrage atteste un recul bienvenu par rapport à la réception du texte dans ce milieu, tout en partant d’un questionnement qui pourra paraître quelque peu dépassé dans des milieux accoutumés au dialogue judéochrétien.
Christian Grappe
Année 2015,  95-3 pp. 393-394.